Michel Nachez, anthropologue attaché à l’Université de Strasbourg, dresse un panorama des transformations économiques en cours, dans son livre « Les Machines intelligentes et l’Homme » aux éditions Neotheque.
Des caissières de supermarché aux journalistes, le chercheur passe en revue un grand nombre de métiers dont l’avenir, à horizon de 10 ou 20 ans, est menacé par l’automatisation et la robotisation, ou bien le passage à l’économie numérique. Au total, ce sont des millions d’emplois qui seront détruits au cours des vingt prochaines années, au rythme des avancées technologiques.
Au crédit de la robotique, le nombre de nouveaux métiers ou d’emplois créés est, en contrepartie, bien mince. Pour Michel Nachez, ces emplois ne seront d’ailleurs réservés qu’à des individus hautement qualifiés. On est loin des discours officiels qui tentent de faire passer le développement de la robotique pour un formidable atout dans la lutte contre le chômage. Ecoutons sa conclusion :
Dans cet exposé j’ai voulu évoquer un fait inéluctable et qui est peu
(du moins de manière officielle, lucide et claire) (re)connu par les
instances qui nous gouvernent : la perte, vouée à s’amplifier de plus en
plus, de nombre d’emplois et de métiers jusque-là dévolus à des
personnes ayant un faible à moyen niveau de qualification – soit la plus
grande partie de la population active sur Terre – du fait de
l’automatisation, de la robotisation et de la net-économie s’implantant de
plus en plus dans le monde du travail. Il pourrait donc se préparer (non :
se poursuivre !) une redoutable paupérisation et qui risque fort de se
révéler « galopante », y compris dans les pays développés.
Oui, c’est bien de cela qu’il s’agit : comment le ferons-nous, avec quels
modes de partage/répartition de la richesse et sur la base de quels
critères ? C’est bien là, en dernière analyse, la plus importante des
questions…
Nous assistons en ce moment à une extraordinaire mutation dans
l’Histoire de l’Humanité, qui a pour caractéristique d’être mondiale et
non pas limitée à l’une ou l’autre nation, culture ou aire géographique.
L’actuelle génération d’hommes de pouvoir ne parvient visiblement pas à
faire face aux changements rapides en cours tant économiques que
technologiques (la plupart d’entre eux, d’ailleurs, ne connait/comprend
visiblement pas grand-chose aux technologies en question). Ils expliquent
que les formes d’emplois changent et qu’il s’agit seulement de favoriser
une adaptation des individus aux nouvelles caractéristiques de
l’économie. Ce faisant ils nient ou au moins minimisent ces évolutions
que nous constatons tous : que le chômage de masse augmente de plus
en plus depuis le début des années 1980 – et ce mouvement va aller
s’accélérant avec la raréfaction des emplois et la prévisible augmentation
de la population.
Michel Nachez aurait-il lu lui aussi les propos d’Alain Madelin ? En tout cas, il indique très nettement que le problème exige une réponse politique :
Soyons clair : non, le progrès technologique actuel n’est pas synonyme
de création d’emplois, ce qui d’ailleurs ne doit pas être confondu avec la
création de richesse – création de richesses pour quelques possédants !
Actuellement, les plus grands (et puissants !) de ceux-ci sont tous issus
des nouvelles technologies : ce sont Google, Amazon, Apple, Facebook
et quelques autres géants de la Silicon Valley, et ils redessinent en ce
moment la carte du pouvoir sur la planète. Ce sont ces très grandes
entreprises qui dominent et imposent leurs stratégies au monde entier. Si
aucun contrepouvoir ne se lève, si aucun modèle politico/social novateur
n’émerge, alors il y a de fortes chances, comme le montre Alain Cardon
dans son analyse [Cardon, 2011], que nous soyons tous, bientôt, sous contrôle
total – et cela pourrait dépasser, et de loin, le Big Brother imaginé par Georges
Orwell. Si cela se produit, ce sera le révélateur de l’absurdité du système
néo-libéral, héritier d’idéologies dépassées du XIXème siècle.
Michel Nachez prend bien garde de préciser que son enquête est scientifique et qu’il ne prétend pas proposer de solution aux problèmes soulevés. C’est bien le rôle de l’AFCIA que de prendre position sur le sujet. Car en plus du formidable bouleversement de l’économie qui est en train de se dérouler, se profile aussi la montée d’une angoisse existentielle chez les humains privés de raison d’être. Il est temps de remettre l’Homme – et pas seulement le Moi, mais aussi l’Autre – au centre de notre organisation économique et sociale.
Une partie de l’ouvrage de Michel Nachez est consultable sur le site www.nachez.info.
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