Depuis notre article d’Octobre 2024 sur la régulation de l’IA, les choses se sont accélérées aux Etats-Unis.
Revenons un peu en arrière : le président Biden, qui avait reçu le soutien des GAFAM en début de mandat, a pris un tournant important en Octobre 2023 : Il a signé le décret 14110 sur l’Intelligence artificielle qui imposait des règles de sécurité aux développeurs de nouveaux modèles d’IA présentant des risques pour la sécurité nationale et pour la santé et la sécurité publiques : à savoir partager leurs informations avec le gouvernement et mettre en place des tests robustes, reproductibles et standardisés.
La vice présidente Kamala Harris a fortement soutenu cette politique, mettant en avant le besoin de stabilité globale, et le besoin de prendre en compte le spectre complet des risques de l’IA, et de s’assurer que ses bénéfices soient partagés équitablement entre tous1.
Bien que ce règlement ne soit obligatoire que pour les très gros systèmes (utilisant plus que 10 puissance 26 opérations), c’en était encore trop pour les géants de la tech qui s’y sont frontalement opposés. On a vu à partir de là le retrait progressif du soutien des patrons des GAFAM aux démocrates, et leur ralliement progressif, puis précipité à Donald Trump après son élection. Le cas Elon Musk est évidemment le plus emblématique.
Donald Trump avait déclaré en Octobre 2024 que ce décret était dangereux et entravant pour l’innovation en matière d’IA. Mais ce n’est pas tout, puisqu’il voyait dans ce décret un acte politique des Démocrates qui « impose des idées radicales de gauche au développement de cette technologie ». Il souhaite une IA « enracinée dans la liberté d’expression et l’épanouissement humain »
Dés son élection, le résultat ne s’est pas fait attendre, et l’un des premiers décrets annulés par Trump le jour de son investiture, le 20 janvier 2025, a été le décret 14110.
Il a ensuite clairement annoncé ses intentions en annonçant le lendemain (21 janvier) le lancement du méga projet « Stargate »2 d’un montant de 500 milliards de dollars. L’objectif était clairement annoncé : battre la concurrence, et en particulier la Chine, et faire en sorte que les USA gardent leur avantage sur le développement de la prochaine génération d’IA.
La boucle est donc bouclée… il n’y a plus aujourd’hui aucune contrainte ou garde-fou au développement accéléré des nouveaux systèmes d’IA par les GAFAM aux Etats Unis. Et la possibilité d’un accord international sur l’IA paraît plus lointaine que jamais.
Dans ce contexte, la tenue du 3eme sommet de l’IA à Paris, avec la participation attendue d’Elon Musk et de Donald Trump, n’a aucune chance de déboucher sur un début de régulation internationale. Et les prétentions de développer nos propres systèmes d’IA européens « éthiques » semblent vouées à l’échec. L’UE n’est même pas capable de sanctionner Twitter malgré les provocations répétées d’Elon Musk et les soupçons qu’il utilise Twitter pour renforcer les partis d’extrême droite en Europe… Il y a fort à parier qu’elle subira des pressions croissantes pour abandonner les quelques amendes qu’elle avait commencé à infliger aux GAFAM pour non- respect du RGPD. Quand à réclamer le démantèlement des GAFAM comme le font les Etats Unis avec Tik Tok, personne n’ose même sérieusement l’envisager à la Commission, alors qu’on est clairement dans le cadre de la lutte contre les monopoles qui est l’un des piliers de l’UE.
Pour en savoir plus et pour en débattre, inscrivez vous à notre prochain débat « peut-on réguler l’IA » le 10 février prochain !
- « We have a moral, ethical and societal duty to make sure AI is adopted and advanced in a way that protects the public from potential harm and ensures that everyone is able to enjoy its benefits, »
- Les 500 milliards de dollars serviraient à bâtir l’infrastructure jugée nécessaire à la prochaine génération de systèmes d’IA, essentiellement d’immenses centres de données et les dispositifs énergétiques destinés à les alimenter, incluant plusieurs centrales nucléaires « privées ». Le projet est porté par OpenAI, la firme qui a lancé ChatGPT fin 2022, la société d’investissement japonaise SoftBank et le géant du numérique Oracle. Le président Trump, pour sa part, s’engage à lever tous les obstacles, en particulier de législation environnementale, pour permettre à ces entreprises de développer leurs propres systèmes de production d’énergie, notamment nucléaire, en quantité phénoménale pour ces systèmes très gourmands. Peu importe, l’essentiel pour Donald Trump et pour ses alliés du Big Tech, c’est de gagner la bataille de l’IA « quoi qu’il en coûte » diraient certains.
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